Respirez à votre apogée

Christine Germain posing with a sign on Mount Kilimanjaro

Comment, après des années de douleur chronique, ai-je gravi le mont Kilimandjaro?

Je suis danseuse et athlète depuis l’âge de 5 ans. À 25 ans, après avoir parcouru le monde et étudié les danses dans leur contexte culturel, j’ai décidé de m’inscrire à un programme de danse contemporaine. Au tout début du programme, une faute professionnelle m’a laissée avec une blessure sévère et une douleur chronique. Ma carrière en danse a été suspendue indéfiniment. Un médecin m’a dit : « vous pouvez oublier une carrière en danse ». C’est durant cette période de douleur aiguë que j’ai été initiée à la Méthode Feldenkrais™. J’ai changé mon programme de danse pour me spécialiser en chorégraphie et j’ai continué à étudier la méthode Feldenkrais™. En 2006, j’ai quitté le Québec, au Canada, et suis déménagée en Californie. Puis, en 2009, je me suis inscrite à un programme professionnel Feldenkrais™ . La Méthode Feldenkrais™ m’a appris à m’adapter à mes limites, quelles qu’elles soient, en tant que chorégraphe, danseuse-interprète et voyageuse. Au fur et à mesure que ma situation s’améliorait grâce à l’application des principes de la Méthode Feldenkrais™, je me suis libérée de la douleur chronique.

En 2014, pour célébrer mon rétablissement, j’ai rejoint mes passions du mouvement et de la romance de toute une vie avec le voyage et j’ai décidé de partir à l’aventure jusqu’au sommet du mont Kilimandjaro. 

Avant d’entreprendre mon voyage, j’ai effectué des recherches sur les risques et les défis liés au mal de l’altitude. J’ai commencé à m’entraîner en faisant des randonnées avec ascensions, avec un sac à dos de 25 livres, pour des randonnées pédestres d’environ 5 heures une fois par semaine. Mais au fur et à mesure que je lisais, il devenait de plus en plus clair pour moi que la forme physique n’est pas le facteur déterminant pour savoir qui est à risque du mal d’altitude. Cela m’a inspirée à approfondir ma relation avec la respiration afin de maximiser mon efficacité respiratoire dans un environnement à faible teneur en oxygène. Ayant vécu avec une douleur chronique, ma respiration avait été restreinte par les efforts de mon corps pour faire face à une blessure traumatique. Bien que j’aie utilisé le Feldenkrais pour surmonter bon nombre de mes troubles physiques, je voulais renforcer davantage ma respiration pour assurer mon succès en haute altitude. J’ai commencé à explorer avec plus de rigueur les cours de respiration de Prise de Conscience par le Mouvement® pendant six semaines, avant le voyage.

Étant danseuse-interprète et venant d’une approche appelée « la Pratique en tant que Recherche », j’ai voulu profiter de cette opportunité pour étudier les effets de la haute altitude sur la respiration et le mouvement. Avant de quitter San Francisco, j’ai travaillé sur une improvisation de danse structurée, avec l’intention d’explorer cette série de mouvements à différentes élévations. Je me suis filmée à différentes hauteurs sur la montagne pour observer comment le manque d’oxygène m’affectait.

Puis, est venu le temps de la grande ascension. C’était le matin du jour 5, lors de notre montée vers le plus haut sommet d’Afrique. Nous avons gagné 3 300 pieds dans le sable, perdant un pas à chaque deux pas. Pour maintenir notre niveau d’énergie, nous nous sommes engagés à nous déplacer à un rythme d’un demi-pas toutes les 3 secondes. Devoir porter 4 litres d’eau sur mon dos, tout ce sur quoi je pouvais me concentrer, c’était ma respiration et de mettre un pied devant l’autre. Les exigences physiques et mentales du voyage ont commencé à se faire sentir. Sur les onze personnes de notre groupe, tout le monde excepté moi, avait déjà commencé à ressentir les effets progressifs de la privation d’oxygène. Vers la moitié de la journée, j’ai commencé à ressentir un mal de tête. Tirant parti des compétences que j’ai perfectionnées à travers une variété de leçons de respiration Feldenkrais™ , j’ai libéré les muscles intercostaux du milieu du dos. Cela m’a permis d’élargir plus complètement les lobes inférieurs de mes poumons. Mon mal de tête s’est rapidement calmé, mais est revenu peu de temps après. C’est alors que j’ai exploré les différentes façons possibles d’élargir mes poumons et que le mal de tête disparaissait à nouveau. Après environ 20 minutes, je n’avais aucune trace de mal de tête et cela resta ainsi pendant le reste du trajet. Quant au reste de notre groupe, cinq alpinistes sur onze avaient la nausée, et une personne a dû être escortée en bas de la montagne, car elle souffrait d’un œdème cérébral de haute altitude (Tout s’est remis en place dès sa descente. Nous l’avons retrouvée en pleine santé après être descendus du sommet). J’étais la seule du groupe à ne pas souffrir de mal de tête continu.

Éventuellement, j’ai aussi commencé à ressentir de légers symptômes du mal de l’altitude. Lorsque nous sommes arrivés au camp sur le cratère, la nuit avant d’atteindre le sommet, à 18 996 pieds, j’ai commencé à parcourir ma phrase de danse dans le cadre de mes recherches. Inspiré par les paysages étonnants des glaciers, j’ai prolongé ma phrase de danse en une improvisation de 45 secondes. Emportée par la beauté du paysage, j’ai oublié pendant quelques secondes à quel point j’étais épuisée. Il m’a fallu environ 45 minutes pour récupérer de mon exploration dansée. J’étais intoxiquée par l’épuisement. C’était un peu comme un lendemain de veille, comme si tout tournait autour de moi, et que je pouvais à tout moment régurgiter le peu de nourriture que j’arrivais à avaler. Je me suis assise et j’ai respiré, en mettant l’emphase sur l’ampleur des expirations, jusqu’à ce que je me rétablisse lentement. 

Nous nous sommes réveillés à 4 h 30 et « polé-polé » (« lentement » en swahili), nous sommes montés au sommet de l’Afrique. Là, j’ai exécuté ma danse, très lentement et intentionnellement, pour éviter l’inconfort du soir précédent. J’ai atteint le sommet, respirant de tout mon être et dansant avec gratitude.

Alors que je me tenais debout et dansais au sommet du Kilimandjaro, la plus haute montagne d’Afrique (19 341 pieds), j’ai ressenti de la fierté non seulement d’avoir atteint un sommet aussi élevé, mais de l’avoir fait sans l’affliction commune du mal de l’altitude. Alors que l’intention était simplement de voir l’effet que l’altitude aurait sur ma respiration et mes mouvements en dansant, j’ai découvert davantage. J’attribue la minimisation de mes symptômes à la prise de conscience élargie de la capacité de fonctionnement de mes poumons, acquise grâce à la méthode Feldenkrais™. En me souvenant que treize ans auparavant, à 26 ans, un médecin m’avait dit d’oublier la danse. J’étais là, guérie, en suivant mes rêves, en respirant, en étant dans l’instant présent… en dansant sur cette montagne sacrée.

Pour voir une courte vidéo de mes danses sur le Kilimandjaro, vous pouvez aller sur:

Note: Je suis extrêmement reconnaissante à l’agence de voyages Karavaniers (Montréal) et à leurs guides du Canada et de la Tanzanie pour la fantastique organisation du voyage. Je suis très reconnaissante pour les précieux conseils et les prêts de matériel de Frédéric Germain, Jocelyne Laroche et Karine Cloutier. Merci aux nombreux cuisiniers et porteurs, ainsi qu’au soutien moral de mes compagnons de route.

Crédits Photo/Vidéo : Christine Germain

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